Ceci n’est pas une coquille. Puisque je suis sur le point de livrer des éléments personnels de mon histoire, il n’y a pas de raisons pour que je me ridiculise sans vous tailler un petit costard.
D’ailleurs, vous n’êtes pas du tout obligés de vous reconnaître dans les descriptions qui vont suivre, même si tout ce qui va suivre est le fruit d’expériences réelles de saisonniers dans une base de location de canoé kayak (où je bossais essentiellement comme cuistot, cf. épisodes précédents de la saison 1).
Les Georges ( et non les gorges) c’est vous, c’est moi, c’est nous. Les « Georges », sont les pioops de base, ces touristes en tongs-chaussettes armés de bob ricard, les membres couverts d’une épaisse couche de gras censée les protéger du soleil.
Le George est un individu grégaire. Vous lui mettez deux piquets, un cordon : il fait la queue, en trépignant, une main sur la CB, l’autre les lunettes qu’il réajuste toutes les 10 secondes. S’il est en groupe, il masque son angoisse en faisant des blagues de merde jusqu’à ce que vienne son tour au guichet, où là commence le festival :
– Bonjour, ce serait-possible de faire du canoë ?
Vous crevez d’envie de lui dire : Non mais par contre je ferai bien un mini golf avec ta copine.
-Il y a de l’eau ?
Non non, c’est de la pisse qui coule. Suivante
-Elle est comment ?
Elle est bonne, comme ta femme. Suivante
-Il est long le parcours ?
Yep, comme ma B…
–Et c’est pas trop dur ?
Bah si comme ma b…
–D’accord. J’ai un enfant qui ne sait pas nager, c’est pas grave ?
Bah si tu veux le noyer, c’est ton problème. Il y a plus grave…
–Non mais je veux dire c’est pas risqué ?
Soupir. Avec ta gueule et ton QI, je pense que tartiner une biscotte est déjà très risqué. il y en a qui ont essayé…
–Bon, ok. Mais alors, on part d’où, j’ai pas très bien compris…
C’est bien ce que je disais. Donc, vous partez d’ici après qu’on vous ait équipés, sans pagayes c’est pas foliche, foliche. Des gilets aussi, vu le gabarit je vous en mets deux autour de chaque jambe… Puis vous descendez la rivière, et vous vous arrêterez au premier pont, où l’on vous attendra pour vous ramener jusqu’ici.
–Mais euh…
Ouh là, ça y est, il a bugué !
-… il n’ y a pas d’autre pont avant ?
Comment dire… au premier pont vous vous arrêtez, comme c’est le premier, il n’ y en a pas d’autre avant.
-… Ah ok, ok. D’accoooord, tu vois chérie, c’est ce que je t’avais dit, il y a pas d’autre pont avant. Mais euh…
Ouhïaïaeïaïe, il m’en reste encore deux cent cinquante pioops comme celui-là. Qu’est- ce qu’il va nous pondre.
-…La rivière… elle fait une boucle ?
Combo ! YOU WIN.
[Aparté : Contrairement à ce que l’on pourrait penser, ce type de questions n’est pas du tout rare. J’ignore comment l’humanité en est arrivé à ce degré de stupidité mais, force est de constater, que les esprits se sont eurodysneïsés. Ils sont dans un parc d’attraction les gens. Ils ont quitté le monde de la raison en même temps qu’ils ont pris leur RTT. Vous vous doutez bien que c’est trés difficile de garder son sérieux, et de répondre aimablement sans perdre son sang froid. On reprend.]
Non non pas de boucle, on viendra vous chercher à l’arrivée. Si vous y arrivez. Là je vais vous donner votre équipement, et ensuite vous pourrez descendre à l’embarcadère vers mon collègue qui vous donnera votre embarcation et les instructions. Mais d’abord, je vais vous demander de signer cette petite décharge et de me laisser une pièce d’identité ou vos clefs de voiture comme consigne.
-Quoi ? A non non, je signe rien moi. Ah bon, c’est obligé ?
Oui.
-Mais par contre je vous laisse pas les clefs. Pas fou moi.
Vous préférez les perdre, avec vos tongs et vos lunettes ?
-Oh oui on me la déjà faite hein. On le connaît le coup des clefs !
—————————————————- Pause vidéo—————————————————–
Celui-là, vous intentera un procès parce qu’il aura perdu ses clefs dans quatre heures.
—————————————————————————————————————————
C’est vous qui voyez… Suivant !